Rendez-vous astral
- Stan Dell

- 7 févr. 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 mars 2022

« Monsieur Soleil, n’oubliez pas votre rendez-vous chez Madame Lune ! » m’avertit Charles. Je remercie mon majordome de m’avoir rappelé mon rituel majeur d’homme.
Une dernière touche à ma préparation et me voici dehors. Le ciel est nuageux, personne ne me voit et je ne vois personne.
Arrivé à destination, le clerc de Madame Lune me dit qu’elle n’est pas là. En l’attendant, je pense aux paroles de Charles : « Ici-bas, souvent chacun pour sa chacune, chacun doit en faire autant ».
J’attends encore. Puis le clerc me dit que Madame Lune est là mais moi, je ne la vois pas. Je suppose que pour la trouver il faut la nuit et moi je luis. Je décide de me mettre en veilleuse quand soudain elle apparait, majestueuse. J’admire ses rondeurs et sa coiffure plantée d’un petit drapeau étoilé.
Il faut que nous parlions me dit-elle !
Que se passe-t-il ?
J'en ai assez de ces tours de terre à tort de nuitarde. Je veux exister autrement.
J’en déduis que cela ne pense pas rond chez elle. Elle est mal lunée.
Mais le monde vous aime, Madame Lune.
Vous parlez de ceux qui encensent la nuit sans faire cas de mes absences.
Moi je la déteste ! Qu’elle arrive et on ne parle que de votre coucher, qu’elle s’en aille et seul compte votre prochain lever. Il n’y en a que par elle pour vous, par vous pour elle.
Seriez-vous jalouse de moi Madame Lune ?
Je cherche ma place, mon territoire.
Vous êtes un cas d'astre à vous seule.
Sa peau se plisse de mille cratères. Elle devient sombre, presque menaçante.
Vous me faites de l'ombre Monsieur Soleil.
C'est bien la première fois
Cessez de briller, l'espace d'un jour qui se fera nuit.
Que je m’éclipse ?
C'est cela. Entre nuit et jour, on ne verra que Lune et on oubliera l'autre que vous êtes.On parlera de mes allers, de mes venues, de mes quarts voire de mes écarts.
Vos écarts ?
Le sourire lui revient, sa voix se fait plus claire, son regard enjôleur. Elle approche son visage du mien. Il semble que j’exerce une attraction certaine sur elle. Elle poursuit en murmurant :
Prêtez-moi vos rayons, donnez-moi je jour !
Vous voulez naître ?
Non, je veux être !
Elle se blottit contre moi. Je disparais dans ses bras. Nous restons ainsi des nuits et des nuits. Mes ébats avec Madame Lune vont croissant. Les étoiles de son drapeau scintillent comme les eaux de Pampelune sous le feu de mes rayons. Ses yeux menacent de quitter leur orbite lunaire. Je ne pense plus, je suis dans la lune.
Plus tard, me revoici en pleine conscience. Je ne sais combien de temps cette étreinte astronomique aura duré. Je suis épuisé. Ma compagne d’une nuit sans fin rayonne d’une énergie d’enfant.
Je suis une autre planète me dit-elle.
À quoi voyez-vous cela ?
L'univers tourne autour de moi.
Me voyant à demi éteint, elle me raccompagne jusqu’à sa porte et je file. Je ne suis qu’une pauvre étoile après tout. Dehors tout est plat, net et sombre. J’ai perdu mes rayons mais je découvre la nuit.
À mon retour, je suis accueilli par Charles.
Je vous croyais perdu à tout jamais. Pourquoi vous être éclipsé si longtemps ?
Le temps n’existe plus, les jours ont disparu.
Votre amie Madame Terre est furieuse.
Je sais, elle se languit de moi.
Oui, elle se meurt dans cette nuit sans fin.
Par mes absences de tant de jours, je nuis.
Nicoletta, sa gouvernante dit que vous êtes mort.
Elle n'a pas tort. Madame Lune a pris le pouvoir, s'en est fini de nos jours.
Consolez-vous Monsieur, la nuit va réveiller nos sens ! Nous entendrons encore la mer danser le long des golfs clairs, sentiront les jardins extraordinaires. Et surtout, n’ayez crainte, votre cœur fera toujours boum pour ce qu’il reste de vos amours.





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