C'était naguère
- Stan Dell

- 7 févr. 2022
- 2 min de lecture
C’était naguère. Ou alors jadis.
Non, ça remonte à plus loin. Encore que jadis ou naguère, on ne sait plus trop qui était avant qui. Les temps d’antan étant inclassables. Il n’empêche qu’en disant naguère, je ne dois pas être loin de la vérité. Mais la vérité supporte mal l’épreuve du temps.

Qui sait si autrefois, jadis n’était pas avant naguère. Et autrefois, lui-même avant jadis.
Non, autrefois ce n’est pas si loin, on peut le dire pour une fois. Naguère ça remonte beaucoup plus dans le temps.
Il faut savoir que lorsque l’on parle d’avant, on remonte le temps.
Le temps n’est qu’une longue planche inclinée le long de laquelle nos souvenirs glissent avant de mourir dans le trou noir de notre savoir. À l’opposé des bulles, nous le savons, qui elles, montent vers le ciel avant d’éclater dans l’infini de notre ignorance. C’est vrai depuis toujours.
Toujours c’est autre chose que naguère ! Rien à voir.
Ce toujours, c’est toute la planche inclinée à lui tout seul. C’est hier, autrefois, jadis, naguère. Tout jour qui passe est une part de toujours, une particule vivante de la planche. Pour ce qui est des jours à passer je ne garantis rien, surtout pas que les souvenirs continueront de glisser.
Partie de naguère, la planche va remonter. Avant je vous aurais dit qu’elle ne s’arrêterait jamais de descendre. Mais à jamais on ne pourra se fier à jamais. Jamais, c’est un point invisible sur la planche, en haut ou en bas, en haut et en bas, un nulle part et un partout à la fois. Or tout a changé, on est passé dans le monde d’après le monde d’avant, on ne peut plus dire jamais.
Aujourd’hui, pressé d’oublier ce qui est arrivé, on invente les souvenirs de ce qui arrivera, demain, plus tard, à l’avenir ou n’arrivera pas.
Qu’importe, on ne peut vivre sans souvenirs. Ces souvenirs inventés à la hâte ne glissent pas, ils se répandent, preuve que la planche remonte.
C’est le grand basculement du temps. La planche arrivera tout en haut bien avant la nuit des temps, et même avant le temps de la nuit. Je vous le dis, naguère c’est demain.





Commentaires